Améliorer la santé maternelle et néonatale en RDC : l’importance de la MPDSR en situation de crise

Par : Dr Meighan Mary et Dr Christine Chimanuka Murhimalika

30 mars 2025

Alors que nous nous préparions à participer à une conférence téléphonique pour discuter de ce blog, Christine a été retardée, non pas par un conflit d'horaire, mais par le bruit des bombes explosant à l'extérieur. C'est la réalité à laquelle sont confrontées de nombreuses personnes dans l'est de la RDC, où l'on ne sait jamais de quoi le lendemain sera fait. Pourtant, au milieu des violences, une vérité demeure : la grossesse et l'accouchement ne s'arrêtent pas en temps de crise, et l'accès à des services de santé maternelle et néonatale de qualité ne devrait pas non plus être compromis.

Un système fragile en crise

Même avant l'escalade de la violence début 2025, le système de santé de la RDC était fragile. moins d'un agent de santé pour 1,000 XNUMX personnesLes soins de maternité étaient déjà mis à rude épreuve. Des années de financement insuffisant, de bas salaires et de formation insuffisante ont rendu le système incapable de répondre aux besoins de santé les plus élémentaires. De ce fait, la RDC figure parmi les pays où le taux de mortalité maternelle est le plus élevé au monde.

Aujourd'hui, la situation s'est encore aggravée. Les déplacements, la diminution de l'accès aux structures de santé et l'augmentation des risques pour la santé maternelle laissent des milliers de femmes sans ressources. femmes enceintes vulnérables. La situation a été aggravée par l'arrêt brutal de l'aide américaine, qui soutient certains programmes de santé, notamment le soutien aux personnels de santé, aux installations et aux fournitures médicales essentielles. Dans de telles circonstances, les décès évitables constituent une tragédie inévitable.

Le rôle du MPDSR

Dans ce contexte, Surveillance et réponse aux décès maternels et périnatals (MPDSR) devient un outil essentiel pour faire face au nombre croissant de décès évitables. En 2015, La RDC a introduit les systèmes MPDSR Suivre, analyser et tirer des leçons de chaque décès afin d'améliorer les soins et de prévenir les pertes futures. Cependant, le système n'est pas pleinement opérationnel et des questions clés telles que « Qu'est-ce qui s'est passé ? », « Ce décès aurait-il pu être évité ? » et « Que pouvons-nous améliorer la prochaine fois ? » restent souvent sans réponse.

Dans des environnements stables, nous avons vu Le MPDSR est utilisé pour améliorer les soins et, à terme, réduire la mortalitéCependant, dans les zones de conflit de l'est de la RDC, où l'instabilité complique la prestation des soins de santé, la mise en œuvre de la MPDSR devient plus difficile. Compte tenu de la fragilité des systèmes d'information sanitaire et de la faible documentation, le suivi des décès, notamment parmi les populations déplacées, est quasiment impossible. Néanmoins, la MPDSR demeure une opportunité de contribuer à la découverte des causes profondes des décès et d'apporter des éclairages pour éclairer les interventions vitales.

Opportunités de renforcement des systèmes MPDSR : une étude au Nord et au Sud-Kivu

Pour mieux comprendre le fonctionnement du MPDSR en RDC, notre équipe, dans le cadre de Consortium de recherche EQUAL, a mené une étude dans six districts (zones de santé) des provinces du Nord et du Sud-Kivu (lire les notes de recherche dans Anglais or Français). Nous avons visité des districts urbains, ruraux stables et ruraux instables, interrogé 109 personnes, du personnel hospitalier aux dirigeants communautaires, et évalué les systèmes existants qui documentent la manière dont les décès maternels et périnatals sont identifiés, signalés et examinés.

Systèmes existants : ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas

Nous avons constaté que si certains districts disposent de systèmes d'information et de surveillance sanitaire performants, d'autres ne parviennent pas à collecter les données nécessaires. Plusieurs systèmes sont utilisés pour suivre les décès maternels et périnatals :

  • Système national d'information sur la santé (SNIS):Suivi des décès maternels et périnatals dans les districts et les provinces, en collectant des données auprès des établissements de santé et de la communauté. De nombreux établissements peinent à produire des rapports précis, et le système n'est pas en mesure de suivre les décès parmi les populations déplacées.
  • Systèmes liés au MPDSRLa mise en œuvre varie considérablement selon les régions. Certains districts disposent de systèmes complets qui incluent les décès maternels déclarés via le NHIS, suivis d'un examen dans l'établissement déclarant. Dans certains districts, les décès survenus dans la communauté sont également examinés, tandis que d'autres se concentrent uniquement sur les décès survenus dans les établissements et/ou excluent les populations déplacées.
  • Enregistrement civil et statistiques de l'état civil (CRVS):Bien que ce système standardise le suivi des décès maternels, les mortinaissances et les décès néonatals sont souvent sous-déclarés, en particulier dans les zones rurales ou touchées par un conflit. Les décès parmi les populations déplacées sont également enregistrés de manière incohérente.
  • Systèmes administratifs communautairesDans les districts reculés ou instables, les systèmes dépendent des rapports des membres des communautés, des dirigeants et des forces de sécurité locales. Les décès sont souvent liés au NHIS, à d'autres systèmes MPDSR ou au système CRVS. Si les décès dans les communautés d'accueil sont systématiquement enregistrés, rares sont ceux qui enregistrent les décès maternels et périnatals chez les réfugiés. Les décès néonatals sont enregistrés, mais les mortinaissances passent souvent inaperçues.

Obstacles à une MPDSR efficace dans les contextes de crise

La mise en œuvre du MPDSR dans les districts de RDC touchés par le conflit se heurte à de nombreux obstacles. Les contraintes financières, la pénurie de personnels de santé qualifiés et l'insécurité ne sont qu'un début. Les difficultés socioculturelles contribuent également à la sous-déclaration des décès, notamment dans les districts ruraux où la mort est parfois perçue à travers des prismes culturels ou surnaturels.

Comme l'a souligné un informateur clé du district de Katwa : « Certaines personnes ne comprennent pas l'objectif de l'examen du décès. Certaines y voient une accusation et tentent donc de se défendre. Cela crée un climat de défense, qui parfois compromet le processus. »

Un agent de santé à Mweso a ajouté : « Nous travaillons sous pression, nous n'allons pas travailler comme nous le devrions, car nous pensons tout le temps à la manière d'échapper à la guerre. »

Pratiques prometteuses et voie à suivre

Malgré les difficultés, nous avons identifié plusieurs pratiques prometteuses qui ont contribué à améliorer la surveillance des décès maternels et périnatals dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Ces enseignements pratiques peuvent également être appliqués dans d'autres contextes de crise :

  • Impliquer les acteurs locaux : Il est essentiel de responsabiliser les agents de santé communautaires (ASC) et les dirigeants locaux. Dans certains districts, les ASC facilitent les visites à domicile et collaborent avec les autorités locales pour intégrer le signalement et l'analyse des décès maternels et périnatals au sein de la communauté, rendant ainsi le processus plus efficace et efficient.  
  • Encadrer le MPDSR comme une amélioration de la qualité : Dans les régions où le MPDSR a été présenté comme un outil d'amélioration de la qualité – plutôt qu'un système de culpabilisation –, les professionnels de santé se sont montrés plus enclins à participer. Cette approche favorise la transparence et la responsabilisation, ce qui renforce l'ensemble du système de santé.
  • Tirer parti de la technologie: Dans certaines zones de conflit, des innovations telles que la technologie mobile, les systèmes de communication par satellite (VSAT) et les outils alimentés à l’énergie solaire ont été essentielles pour maintenir des rapports en temps réel et une collecte de données efficace, même dans les districts dotés d’infrastructures médiocres.
  • Renforcer la coordination : La collaboration avec les dirigeants locaux, y compris ceux des communautés déplacées ou des districts sous le contrôle de groupes armés, a contribué à maintenir le fonctionnement des systèmes même face à l’insécurité.

Sur la base de tout ce que nous avons appris, EQUAL s’efforce désormais de soutenir les efforts visant à renforcer les approches MPDSR communautaires qui tirent parti de ces systèmes existants et des pratiques prometteuses identifiées.

Un Appel à l'action

Alors que la crise se poursuit en RDC, il apparaît plus important que jamais d'appeler les gouvernements, les ONG, les donateurs et la communauté sanitaire mondiale à investir dans l'adaptation et la mise en œuvre de systèmes de surveillance des décès maternels et périnatals en situation de crise. Comme le soulignent nos recherches, l'amélioration de la surveillance des décès maternels et périnatals dans les régions touchées par les conflits comme l'est de la RDC nécessite des systèmes flexibles et adaptés au contexte. Il n'existe pas de solution universelle, mais il est clair que le renforcement de systèmes comme la surveillance des décès maternels et périnatals est essentiel et ne doit pas être négligé.

Comme l'a dit l'un de nos collègues : « Si c'est ce que l'on appelle la résilience, alors quelque chose ne va pas avec elle. » Nous ne pouvons accepter cette dure réalité comme un statu quo. Il est temps d'opérer un changement qui sauve des vies, même dans les circonstances les plus difficiles. Créons des systèmes qui ne se contentent pas de suivre les décès, mais qui œuvrent activement à leur prévention.

Ce blog a été écrit avec le soutien d'Alicia Adler.


Le lundi 24 mars, EQUAL et le Groupe de travail technique mondial MPDSR a organisé un webinaire sur la MPDSR dans les contextes humanitaires. Ce webinaire a présenté les dernières recherches, les adaptations concrètes et les stratégies de mise en œuvre de la MPDSR dans les environnements les plus difficiles. S'appuyant sur des observations de l'est de la RDC, de Gaza et du Soudan, les intervenants ont expliqué que la MPDSR demeure un outil essentiel pour améliorer les soins et sauver des vies, même en cas d'urgence aiguë. Visionnez le webinaire ci-dessous.